Ayant quitté Vienne dans la mâtinée pour visiter les terres extérieures en compagnie de Malvoisin et d’un homme d’une trentaine d’année passée fils d’une noble famille ayant ses entrées à la cour impériale. Ils parcoururent quelques lieues hors de la ville à dos de cheval, le temps était au beau, une brise légère portait la douceur des effluves que la nature offre à ceux qui savent s’en imprégner, cela augmentait la bonne humeur de la chevauchée.
Le clocher d’un bourg annonçait la mi-journée, une auberge à deux pas de chevaux fera l’affaire pour couper le rappel à l’ordre qui résonne dans l’estomac des baroudeurs. Le patron des lieux les installe à une table, Benoît lève la tête, il réagit à un accent qu’il ne lui est pas inconnu. Un jeune couple français, provenant sans doute de la région Bourguignonne. La jeune femme, bien ronde, semblait attendre un deuxième enfant. Un gamin d’environ quatre ans était en leur compagnie et naviguait entre les tables de l’auberge, le père le rappelait de temps en temps et ne semblait pas très content de le voir évoluer ainsi, il le surveillait comme on surveille le lait sur le feu. Deux soldats et un civil, apparemment un juriste étaient là aussi à les entourer et déjeuner ensemble, ils bavardaient de leur destination. Benoît glissa quelques mots à l’oreille de Hubert en les désignant du regard. Le marquis ne manqua pas de satisfaire la curiosité qui les habitait… Que vient faire ici ce jeune couple ?… Il alla à leur table, se présenta et désigna ses compagnons, un échange de salut des deux tables.
- Venez vous joindre à nous, vous finirez vôtre repas en notre compagnie et l’on échangera des nouvelles du pays.
Le couple, heureux de trouver des voyageurs de la même origine qu’eux, accepta l’invitation, les soldats et le civil furent aussi du partage. Il répondait à l’appel de Marie-Thérèse l’Impératrice, il allait s’établir du coté de Innsbruck. Leurs parents Huguenots avaient quitté la France pour s’établir en Prusse.
- Mais comment vous sentez vous en tant que Huguenot dans un pays dont la religion est plutôt vaticane.
C’était un paradoxe pour Benoît.
- Nous ne partageons pas l’esprit Calviniste ou Luthérien, nous sommes plutôt catholique… nos parents nous ont un peu rejeté ! et nous avons entendu l’appel de l’Impératrice d’Autriche, ainsi sommes nous ici pour ne plus avoir à supporter les reproches.
Plus la discussion avançait, plus Benoît avait la conviction que ce couple frisait plus l’athéisme que l’esprit religieux, il faisait bonne figure pour se fondre dans un autre monde.