Désert du Névada. Famartin |
Le regard ne voit pas le bout de cette plaine
écrasée par un soleil de plomb. Une fournaise chauffée à blanc.
Sur le flanc
droit, suivant d’où l’on vient, s’érige une montagne. Elle est nue des pieds à
la tête, le sommet rappel qu’à une certaine époque, elle devait être chapeautée
de blanc.
L’horizon se confond avec le bleu acier du ciel.
Le vent dominant venant du Sud balayait le sol à perte de vue. Les ballots
d’herbes sèches volaient en lévitation, ils allaient où bon le vent les
portait. La poussière était composée des particules deterre et des
dernières herbes récemment arrachées.
L’air semblait irrespirable, c’était une aventure
périlleuse de s’élancer dans ce paysage lunaire.
De la
montagne, un ru, pas encore asséché, sauve de la soif le promeneur égaré.
Un
spectacle étrange non loin de la montagne.
Un Totem s’érige dépassant le faîte
de la montagne. Le voyageur surpris regarde la scène. De petits cercles de
pierres avec des foyers incandescents en leur centre sont disposés à une
certaine distance autour du totem. Un plus grand cercle entoure ce décor, des humains semblent
s’agiter, danser. À part, ce qui semble être des anciens, tout près d’eux des
enfants, peut nombreux. À un autre endroit des jeunes font des conciliabules.
Les
vieux, les sages, sont assis sur des bancs de pierre, ils commentent,
dissertent sur leurs descendants.
Le
totem a une base énorme, peut-être un séquoia, un baobab ou un vieux chêne,
peut-être un olivier plus que millénaire. Hormis les enfants, les sages et les
jeunes, les humains dansent autour du totem ou devant lui. Il semble qu’ils lui
lancent des incantations comme au temps jadis quand des peuples appelaient à la
pluie, demandait au ciel une bonne récolte, protéger la terre, que les animaux
soient prolifiques pour la vie des tribus.
L’effigie du totem ressemble à un être humain
surmonté d’une tête d’animal que l’on distingue mal. Son sommet se cache dans
une brume, peut-être fournie par la fumée des foyers ou celle d’un lourd nuage
qui s’est égaré dans ce ciel brûlant. Ce nuage crée une impression étrange, l’ombre irréelle sur un sol
surchauffé.
L’éventuelle concentration de particules dans ce nuage
aliment ou pas la conversation des humains.
Ils
dansent avec sérieux, ils appellent le totem « Le rêve enchaîné au pilori ».
Les
vieux sages pensent, disent que cela devait finir par arriver. Les jeunes aussi
dansent comme les adultes, invoquant pareillement le retour de la pluie !
Le respect de la terre, des animaux. Ils sont en collèrent. Repensent aux
propos que cette terre était riche, très riche, maintenant c’est un désert.
Plus d’animaux, pas même un serpent, une fourmi, plus d’herbes pour faire
paître les bêtes, pas d’eau pour faire pousser les légumes et céréales… rien,
que le désert sous un soleil tannant la peau.
Un
sage raconte à un enfant qu’au temps jadis, c’était si riche que de lointain
ancêtre avait posé une bannière sur l’astre de nuit, l’homme montrait à
l’enfant la lueur blanche dans le ciel bleu. Une bannière aux rayures rouge et
blanche avec un carré bleu parsemé d’étoiles d’or. « C’était autrefois
petit et vois-tu, bientôt cette terre sera aussi nue que l’astre de
nuit »
L’enfant l’écoute avec un certain recueillement, les humains
disent que les sages radotent.
« Autrefois, petit, il y avait des mers
gelées, des pays sous des montagnes de glace. Les humains de l’époque avaient
peur d’être submergés par la fonte de ces glaces, celles des pays, celles des
mers, ils avaient raison, le temps a fait le reste. Petit à petit les mers
se sont taries. Les déserts ont gagné en surface, comme ici, balayés par des
vents violents emportant tout sur
leur passage, regarde ces fœtus de brindilles qui volent, plus rien sur cette
terre, plus d’herbes pour les bêtes, plus d’arbres, l’eau se fait rare. De jour
en jour tout est brûlé par le soleil qui tanne aussi notre peau ».
Les
humains continuent à danser autour du totem implorant une hypothétique pluie.
Les jeunes aussi dansent, leur totem… des hommes
dans des costumes élégants, ce sont des « sachant » qu’ils disent. À
leur avis, il faut continuer à
sortir de terre tout ce qui peut encore produire de richesse.
Quelques sages, des jeunes, des humains se regroupent près du
totem, ils palabrent.
Les
jeunes retournent vers leur assemblée. Cette dernière danse toujours autour des
sachant, ils semblent saoulés par ce tourniquet.
La
décision était prise, les sachant sont ligotés au totem. C’est la réunion des
trois assemblées, celle des sages, des humains et des jeunes qui en décidèrent
ainsi.
La grande ronde pouvait commencer.
« À quoi, cela nous mènent-il » lança
un sachant.
Pas de réponse.
Un gamin s’approche de lui.
« Ton rêve enchaîné au pilori »
Il retourne vers les sages.
La grande ronde s’ébranle. Elle quitte le totem,
la grande plaine déserte, laissant les sachant en découdre sous le soleil
ardent. Elle prit un chemin muletier sur le flanc de la montagne et disparut
sur l’autre versant, une vallée encore préservée les accueille.
Du
faîte de la montagne dépassait la tête du totem dans son nuage.
Le
grand bleu était toujours présent au-dessus de la vallée. La journée
s’achevait, la nuit, un peu plus fraîche, berçait tout ce petit monde. Des
animaux laissaient sortirent leur cri, des oiseaux nocturnes ululaient,
quelques insectes crissaient. Pour les humains, une lueur d’espoir vivait dans
les yeux.
L’aube se montre suivit de l’aurore. Vers le sud le ciel
semblait bien sombre. Au loin un rideau relit le ciel et la terre, il semble
avancer lentement. Les animaux se réfugièrent sur les hauteurs, les humains
leur emboîtèrent le pas. Des
nuits, des jours de pluie interminables, inondent la vallée.
Le
gamin qui avait répondu à la question du sachant monta sur la crête de la montagne,
regarda vers le totem des rêves enchaînés au pilori, les sachant était desséché
et s’amassait au pied de l’effigie.
La plaine était plus désertique que jamais, la
montagne avait fait un rempart laissant le soleil faire son travail de marteau
sur l’enclume du sol.
La
pluie avait cessé. Les animaux se désaltéraient dans la rivière regonflée d’eau.
Les arbres s’ébrouaient des dernières gouttes de pluie sous un vent légé.
Le
gamin avait rapporté ce que ses yeux avaient vu.
Pas
de totem, il fallait respecter la nature. La montagne fournit les pierres qui
firent des abris pour les humains, cette terre vierge devient l’âme
nourricière.
À
trop vouloir amasser, on perd sa liberté.
Covix-lyon©12/09/2016
Ah !! Un beau texte , Bernard ! Ciselé et fort bien construit (quelques jolies images évocatrices ) . J'avais l'impression d’être dans le désert et de suffoquer un peu sous la forte chaleur . J'ai retenu cette phrase " Les ballots d’herbes sèches volaient en lévitation, ils allaient où bon le vent les portait." et là , je dis chapeau pour la forte métaphore ! gardons notre liberté même si nous trouvons un jour (ou peut être une nuit ) ligotés au totem . la vie vaut toujours davantage que l'entassement de futilités .
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerMerci de la visite, je tarde un peu à venir sur ce site, j'ai un autre blog plus actif et différent aussi.
Merci de l'appréciation, en effet il faut vivre en Homme libre, ce n'est pas toujours facile, mais comme tu le dis, la vie en recent le besoin.
Très intéressant ton texte ! Merci de ta visite, bon lundi !
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