Il râle, grogne,
Il geint, ronchonne,
Il râle, maugréer,
Il murmure, peste,
Il est rouspéteur,
Bougon, ronchon,
Il râle !
Je n’en connais pas la cause,
Mais il râle,
Oh ! c’est très Français me direz-vous.
Sans contestation possible, c’est aussi mon cas,
Un pays de râleurs…
Que l’on soit dix millions ou soixante-dix millions,
Le sport national du pays de râleurs.
Remonter à la nuit des temps lointains
Sans doute l’atmosphère de l’hexagone
Cette figure géométrique unique sur le globe.
J’imagine bien les premiers bipèdes s’aventurant ici ou là,
Dans ce terroir, se demandant où ils ont atterri
C’est ta faute si nous sommes là !
Tu n’avais pas à me suivre, etc.
Et puis, chemin faisant, d’invasion en invasion,
Le parfum de l’hexagone contamine les nouveaux venus.
Ils s’adaptent, ils râlent !
Aux vingt unièmes siècles après J-C, le râle continu.
Mais, cela n’est pas celui-là dont je parle,
Non, lui, il est encore plus vieux que les premiers hominidés
Ayant foulé le monde, et ses pas sur cette portion de terre hexagonale.
Lui, il a trouvé l’élixir de l’éternelle jeunesse,
Il dévale chaque jour, chaque heure, seconde les flancs de la montagne, il parcourt plaines et vallons,
Il n’est pas fatigué,
Il aime s’étendre dans la plaine, y faire une bonne sieste !
Là, on le croit paresseux, il veille, il surveille son monde tel un canidé.
Dans sa plus lointaine jeunesse, il vivait librement.
Il jouait à ce que bon lui semble,
Après sa sieste, il reprend sa route énergique.
Rien ne le gênait dans son voyage,
Avec son éternelle jeunesse dans son bagage.
Ses amours n’ont pas de genre, il aime les deux,
Aujourd’hui encore, il fait son parcours,
Toujours aussi fougueux, faussement assagi
Comme des fauves dans un cirque,
Maîtrisé, dressé, dompté, canalisé par les dompteurs.
Au fil du temps, où, sa vie gênait,
Son espace changea avec ce mammifère bipède
Nouveau maître du monde.
On lui a disposé des hamacs, ici ou là, pour qu’il se détende
Et ne dérange pas cet apprenti sorcier.
Il fut même détourné, tout en lui gardant son ancien lit,
Parfois, le fils des montagnes, revient dans sa maison,
Souvenirs d’enfance !
Mais là, ce samedi de novembre, il râle !
Il jette toute sa furie à la face du monde,
Celui qui veut bien le regarder, l’entendre,
Il râle, un instant je me crus au pied d’une falaise face à l’océan,
Mais non ! c’est lui qui déverse son verbe puissant,
Crachant son écume dans des tourbillons colériques
Il caracole dans la ville avec toute sa fougue.
Il râle.
Rhône tempétueux d’un jour d’automne.
B.Cauvi 18-11-2023