samedi 28 juin 2014

Un beau matin d'automne.


                                                            Photo du net

Voici que j'aime enfin ces montagnes avec cette lumière,
Leur peau ridée comme le ventre des éléphants
Quand leurs yeux rapetissent avec les ans.
Voici que j'aime enfin ces peupliers, ces rares peupliers
Haussant les épaules dans le soleil.
Les Guègues de grande taille, les Tosques trapus
L'été avec la faux, l'hiver avec la hache,
Les mêmes choses, toujours recommencées, les mêmes gestes
Des mêmes corps. La monotonie se brise.
Que dit le Muezzin en haut du minaret? <<Ecoute!>>
Il s'est penché pour enlacer une blonde poupée sur le balcon voisin.
Elle, agite deux bras roses vers le ciel,
Elle ne se résout pas à se laisser violer,
Pourtant le minaret se penche et le balcon, comme tour de Pise.
On entend plus que des murmures, ce ne sont ni les feuilles ni l'eau,
<< Allah! Allah! >> Ce n'est pas non plus la brise, prière étrange.
Un coq a chanté, il doit être blond,
<< Ame embrassée d'amour qui vola vers les cimes ! >>
Voici enfin que j'aime ces montagnes, ainsi pelotonnées,
Le troupeau vieillissant alentour avec ses rides,
A-t-on jamais songé à lire les lignes des montagnes comme les lignes de la main,
Y-a-t-on jamais songé? Oh! cette pensée persistante têtue, 
Enfermée dans une boîte vide
Heurtant sans cesse le couvercle, toute la nuit,
Souris grignotant le plancher.
La monotonie se brise. << Oh, toi qui volas vers les cimes ! >>
Voici que j'aime aussi
Ce buffle de la plaine macédonienne, placide,
Et qui se résigne, comme sachant que jamais l'on n'arrive,
Et rappelle l'arrogant visage du guerrier Vercingétorix
Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le change.

Georges Séféris
Nobel de littérature 1963.

                                                     Photo de moâ!

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