mardi 1 juillet 2014

Poème du 20ème siècle


Le faux et le vrai vert.

Tu ne m'attends plus avec le coeur vil
de l'horloge. Qu'importe
si tu ouvres ou fixes la désolation:
il reste des heures nues hérissées, avec
des feuilles qui soudain heurtent les vitres
de ta fenêtre haute sur deux allées de nuages.
Il me reste la lenteur d'un sourire,
le ciel ténébreux d'une robe, le velours
couleur de rouille enveloppant tes cheveux
et déployé sur ton dos, ce visage connu
englouti dans une eau à peine remuée.

Coups de feuilles d'un jaune rugueux,
oiseaux
de suie. Maintenant
d'autres feuilles crèvent les rameaux
et d'un bond sortent entortillées:
le faux et le vrai vert d'avril,
la montée de ce rire moqueur
à floraison assurée.

Et toi, ne fleuris-tu-point,
ne pousses-tu pas de journées
ni des songes qui s'exhalent de notre au-delà,
et n'as-tu plus tes yeux enfantins;
tes douces mains pour chercher
mon visage qui me fuit?
Il reste la pudeur d'écrire les vers
d'un journal, ou de pousser un cri
vers le vide ou dans ce coeur incroyable
toujours en butte à son temps exhaussé.

Salvatore Quasimodo.

Recueil 1949-1955.

Prix Nobel de littérature 1959.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire