vendredi 31 janvier 2014

Benoît et le grand tour (112)

 Le rideau bleu nuit se lève, la toile se déchire, l’orangé prend le dessus, jauni, quelques taches blanches, grises s’installent dans le bleu du ciel, la marée est haute, il faut larguer les amarres, coups de sifflets, cordages dénouées des bites, l’ancre relevée, les voiles se gonfle dans la petite bise du matin, la frégate bouge, s’éloigne du quai, Hubert fait son apparition sur le pont.
– A ce que je vois, Mr le Marquis est bien matinal.
–­­– En effet, je viens m’instruire de la vie sur un bâtiment de la Royale et pour rien au monde je ne manquerais un aussi fabuleux spectacle.

 Nantes s’éloignait, l’embouchure de Loire se mélangeait à l’océan qui tel un mâle prenait possession de sa trompe. L’horizon était grandiose, mélange de vert, bleu, et d’argent sautillant en surface, danse de la Déesse Ino ou plutôt Leucothée non donné par Zeus à Ino après s’être noyé avec son fils dans l’onde marine. Leucothée est la déesse protectrice des marins. Hubert contemplait ce paysage insolite, jamais il n’avait été confronté à une telle immensité.
  Le quatrième jour de traversé est marqué par le sablier, le cap est maintenu, pourtant l’horizon est bien sombre, il n’y a pas d’île pour se protéger dans une anse et remonter une possible rivière dont les fonds soient assez profond pour recueillir la frégate, le commandant donna l’ordre de modifier le cap, l’homme de barre exécuta aussitôt la directive le navire glissa vers le sud ouest, l’affrontement avec l’élément semble inévitable.
– C’est un gros coup de tabac que nous allons affronter dans quelques instants, j’essai d’aller en sa bordure, mais je crains que cela soit inutile.. faites amener les voiles, moins elles seront exposées, moins il faudra les réparer et surtout le risque que la force du vent ne fasse casser les mâts., je crois que votre place serait mieux dans la cabine où vous ne serez pas exposé.


Hubert opina de la tête et rejoignit son logis. Le mouvement de la mer annonçait la couleur, deux heures plus tard la frégate voyait sa proue se soulever sur le faîte des vagues et plongées en leurs creux, la vague inondait le pont, balayant tout sur son passage, le second et le barreur bien attachés pour éviter de prendre un bain qui leur aurait été fatale. La frégate semblait un jouet entre les mains d’une puissance inconnue qui la ballotait comme un gamin jouant avec une feuille de papier sur un torrent de montagne. A chaque quart, les hommes devaient rusés pour ne pas être emportés par une lame. Hubert ne tenait pas en place, il lui fallait voir la chose, il passa sa tête et admira ce changement de quart, les hommes faisaient bonnes figures contre mauvaises fortunes. La tempête dura trois nuits et deux jours et demie. Le calme revint doucement, pas de casse hormis une vergue. L’officier charpentier et quelques marins firent la réparation nécessaire pour permettre à la voile de retrouver sa place et mener la frégate à bon port. Les mousse, balais, serpillières nettoyaient les ponts. Dans la cale de la frégate, poules, vivres et troncs d’arbres attendaient de servir, il fallait prévoir toutes sortes d’avaries durant une traversée, mais pas trop charger le navire afin de lui garder sa manœuvrabilité et rapidité. Les Antilles dessinent leurs côtes à l’horizon, pas de navire anglais en vu. Le commandant décide de faire escale à La Moule sur le flanc est de la Guadeloupe, le temps de charger quelques vivres et du rhum, de donner un peu de bon temps à l’équipage dans les tavernes, après ce qu’il vient de subir, c’est mérité. Hubert n’échappa à la manière dont on savait recevoir dans ces lieux de plaisirs. Rhum, délices de la table et filles ne manquaient pas à faire oublier la traversée. Il ne se souvient plus très bien dans quel ordre les choses se passèrent, mais il se réveil assis sur un banc la tête au creux de son bras, il a dormit au coin d’une table.
A suivre

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